Dans Le culte de la collision (Éditions P.O.L, 2013), Christophe Carpentier nous présente un jeune intellectuel de dix-huit ans en quête de son idéal. Excédé par le dogmatisme de sa mère, il commet le matricide, découpe sa carte d’identité en morceaux et part tenter de survivre dans la nature. Confronté au monde extérieur, il cherche alors à connaître sa véritable identité : est-il réellement un assassin? Un second meurtre, effectué cette fois avec préméditation, barbarie et sang-froid, lui permettra de répondre à cette question.
Or, pour Tanguy Rouvet, qui devient Hadrien Hadray, qui devient Michael, cela reste insuffisant. Mettant sa vie en danger à plusieurs reprises en s’engouffrant volontairement dans les pires situations, celui-ci souhaite vivre chaque instant avec intensité, afin de découvrir ce qui se cache à l’intérieur de lui. Il s’abandonne ainsi au hasard du destin, laissant libre cours à ses pulsions et à ses envies. Actions, pensées, désirs, tout est passé au peigne fin : pour le personnage, une telle expérimentation de soi demande un laborieux travail d’autoréflexion. Ici, pas de place pour les sentiment; par le biais d’une distance introspective, tout est analysé à froid, tout devient follement rationnel, au grand étonnement du lecteur dont la logique est fortement mise à mal.
Justement, comme l’écrivent Anne Barrère et Danilo Martuccelli au sujet d’un corpus formé de personnages contemporains, « [l]es personnages sont d’infatigables analyseurs d’eux-mêmes, des autres, du monde. Par moment, il ne serait pas faux de dire qu’ils éprouvent moins le monde en direct, qu’ils ne le vivent au travers de leurs analyses postérieures. Ils sont en quelque sorte toujours en décalage, et ne vivent ou assument pleinement la vie que s’ils l’analysent et la décortiquent. » (Le roman comme laboratoire, Presses Universitaires du Septentrion, p. 83). Tel est le cas de cet adolescent qui, pour être cohérent avec lui-même, demeure complètement déconnecté du monde.