Todorov

Objectif de la démonstration et approche privilégiée

Dans certains récits, les actions ne sont pas là pour servir d’illustration au personnage mais, au contraire, les personnages sont soumis à l’action. Le mot personnage signifie donc tout autre chose qu’une cohérence psychologique ou description de caractère. Ce pan de la littérature, dit Todorov, a été mis de côté par les approches psychologisantes du personnage.

Points nodaux de l’argumentation

La critique de Todorov a pour point de départ une citation d’Henry James : « Qu’est-ce qu’un personnage sinon la détermination de l’action? Qu’est-ce que l’action sinon l’illustration du personnage? Qu’est-ce qu’un tableau ou un roman qui n’est pas une description de caractères? », The Art of Fiction, 1884. Cette perspective, dit Todorov, suppose qu’il n’y a pas de personnage en-dehors de l’action, ni d’action en-dehors du personnage. Tout récit serait une description de caractères. La proposition de James mettrait de côté les oeuvres comme L’Odyssée, Le Décaméron, Les Mille et une nuits, le Manuscrit trouvé à Saragosse, autant d’exemples de l’a-psychologisme littéraire.

Le récit psychologique considère chaque action comme une voie qui ouvre l’accès à la personnalité de celui qui agit, comme une expression, sinon un symptôme. L’action n’est pas considérée en elle-même, elle est transitive envers son sujet. Le récit a-psychologique se caractérise plutôt par ses actions intransitives; elles importent en elles-mêmes et non comme indice de tel trait de caractère. La causalité psychologique double la causalité événementielle (celle des actions) plutôt qu’elle n’interfère avec celle-ci. Les actions se provoquent les unes les autres et par surcroît, un couple cause-effet psychologique apparaît.

Todorov redéfinit ainsi le personnage : le personnage, c’est une histoire virtuelle qui est l’histoire de sa vie. Tout nouveau personnage signifie une nouvelle intrigue. Nous sommes dans le royaume des hommes-récits. L’article se termine sur une énumérations de procédés structurant l’intrigue : enchâssement, énonciation, récits suppléants/suppléés.

Sur l’être et l’agir du personnage romanesque

La proposition de Todorov contraste significativement avec celle de Jouve ou d’Erman : la personnalité du personnage n’est pas forcément à l’origine de la structure narrative. C’est donc un autre point de vue sur l’action qu’offre Todorov. Il est à se demander cependant s’il existe des récits a-psychologiques dans la littérature contemporaine.

Tzvetan Todorov, « Les hommes-récits », dans Poétique de la prose, Paris, Seuil, (1967) 1971, p. 78-91.