Histoire

Définitions

«Le terme n’a pas bonne presse et il est en général tenu à l’écart du métalangage contemporain. Le concept en revanche étant incontournable, il a bien fallu le rebaptiser ; d’où ces termes plus ou moins compris qui ont fait florès : récit, diégèse, action, fable, intrigue. Mais comme on peut le constater à ces diverses entrées, aucun d’entre eux n’est un substitut satisfaisant. Faute de néologisme, devait-on alors faire confiance au terme proscrit? En tout cas en français, histoire est embarrassant dans la mesure où il peut qualifier le récit des événements et ces événements eux-mêmes (fictifs ou effectifs), la fiction et Clio. En revanche, la langue anglaise dispose du couple story-history ; aucune ambiguïté donc lorsqu’un auteur titre : A Grammar of stories. Au nombre des rares spécialistes décidés à parler histoire, on compte Genette et Benveniste. En référence à l’Histoire qui en fournit le modèle, Benveniste définit ainsi l’énonciation concurrente du “discours”. Dès lors le terme ne désigne plus un contenu événementiel mais la manière – présumée objective – dont celui-ci est traité par le texte et le narrateur. Quant à Genette, il maintient contre vents et marrées histoire en l’opposant à récit qui signifie la relation discursive et narrative de l’histoire et à diégèse qui désigne un simulacre d’univers et non une trajectoire d’événements. Pourtant, la plupart de ses confrères ès structuralismes qualifie l’histoire de récit

« Quoi qu’il en soit du terme, le concept dans son acceptation courante reste bien présent en tant qu’objet transgénérique et translittéraire, passible de multiples analyses structurales. Or celles-ci sont l’occasion de poser la question de la définition même de l’histoire. Faut-il s’en tenir à sa définition figurative ou fondamentale? à l’écume événementielle ou à la narrativité? Dans le second cas qui a les faveurs de la sémiotique, l’histoire se réduit à un processus de transformation (univers troublé – univers rétabli, disjonction-conjonction). Autre réduction compatible cette fois avec la figurativité celle qui consiste à ne prendre en compte que le noyau de l’histoire. Par ailleurs, cette définition peut dépendre d’une autre variable, à savoir le nombre de protagonistes. Si quelquefois cette quantité est fixée (l’individu dans la biographie, le collectif dans l’épopée), en revanche elle ne l’est pas dans la majorité des cas. D’où les conséquences sur la délimitation de l’histoire : faut-il ne retenir que le fonds commun aux participants accrédités comme protagonistes? ou bien prendre en compte tout ce qu’ils n’ont pas en commun et qui entre cependant dans l’histoire de chacun d’entre eux? » (Gérard-Denis Farcy, Lexique de la critique, Paris, Presses universitaires de France, 1991, p. 55-57.)

Lectures

Selon Genette, l’histoire est le contenu narratif de l’oeuvre. Le récit selon Genette se compose de deux parties, soient la narration et l’histoire, laquelle peut être de faible intensité dramatique ou teneur événementielle. L’histoire, apparentée à la diégèse, constitue le signifié de l’oeuvre, tandis que la narration en est le signifiant. L’étude narratologique du temps se penche plus particulièrement sur l’histoire, puisque son objectif est de dégager les «relations temporelles entre récit et diégèse» (p.75). Il est à noter, enfin, qu’une même histoire peut donner naissance à différentes intrigues.

Huglo reprend à Genette l’opposition entre l’histoire et la narration, car c’est dans l’écart entre le monde raconté et l’acte narratif qu’intervient la voix, à laquelle elle s’intéresse tout particulièrement en déplaçant les enjeux établis par le théoricien. Huglo fait glisser la voix narrative du côté de la parole subjective, s’écartant ainsi de la schématisation et du découpage structuralistes qui occupent Genette. Elle justifie cette inflexion méthodologique « comme une façon de prendre acte des poétiques de la voix caractéristiques de notre modernité » (p. 15).