Sandra Heinen et Roy Sommer, Narratology in the Age of Cross-Disciplinary Narrative Research, Berlin/New-York, Walter de Gruyter, 2009.
Objet de la démonstration
Le but de cet ouvrage de rallier des disciplines diverses à la narrativité (mot utilisé indistinctement de narratologie par ailleurs). Les articles tentent également de se détacher des études narratives trop pointues. Qui plus est, les études narratives, en général, s’intéressent davantage à des textes de fiction desquels le présent ouvrage espère s’éloigner. À tout le moins, il souhaite couvrir d’autres types de discours que celui de la fiction, bien que les outils d’analyse de la narratologie soient difficiles à transposer à des textes non fictionnels. On explique également, en introduction, que la narrativité est peu convoquée par les chercheurs car elle fait appel à des notions très pointues. Finalement, les narratologues sont souvent liés à des disciplines tels que la littérature, le cinéma et peu fréquemment à des disciplines du domaine des sciences humaines et de l’informatique. Le collectif présente donc une alternative aux propositions plus traditionnelles en narratologie en convoquant à ses bords des disciplines plus éloignées de prime abord. On retrouve donc des articles sur les rapports entre récit et cognition, sur le récit et la construction de la mémoire collective, sur les récits dans les médias, sur l’écoute musicale proche de la structure du récit (les deux formes comprennent une tension, une résolution, des focalisations, etc.), etc. Les premiers textes remettent en question la narratologie, elle-même. On se positionne par rapport à la narratologie classique et post-classique.
Définitions pour récit / narrativité / autres termes centraux
En introduction, on précise que, dans le cas de l’article de Vincent Meelberg, le récit signifie : « a representation of a sequence of events in time and of narrativization as the identification of temporal relations between events » (p. 8). Mais dans l’ensemble de l’ouvrage, les articles ne s’arrêtent pas tellement à la définition du récit, de la narrativité, etc. Cependant, comme c’est le cas de Vincent Meelberg ci-haut, certains textes s’y attardent un peu plus longuement et font ainsi exception. Voici donc la définition de la notion de « prototypical narrative », selon David Herman dans « Narrative Ways ok Worldmaking » : [it] can be characterized as (i) A representation that is situated in – must be interpreted in light of – a specific discourse context or occasion for telling. (ii) The representation, furthermore, cues interpreters to draw inferences about a structured time-course of particularized events. (iii) In turn, these events are such that they introduce some sort of disruption or disequilibrium into a storyworl involving human or human-like agents, wheter that world is presented as actual or fictional, realistic or fantastic, remembered or dreamed, etc. (iv) The representation also conveys the experience of living throught this storyworld-in-flux, highlighting the pressure of events on real or imagined consciousnesses affected by the occurrences at issue. Thus – with one important proviso – it can be argued that narrative is centrally concerned with qualia, a term used by the philosophers of mind to refer to the sense of ‘what it is like’ for someone or something to have a particular experience. The proviso is that recent reserach on narrative bears importantly on debates concerning the nature of consciousness itself. » (p. 74-75) Cette définition rassemble les conditions nécessaires à la présence de la narrativité. Pour étude qui comme celle de Roy Sommer s’intéresse à la cognition, le récit est « a purposive communication act (Phelan 2006 : 300) ». Il se penche quant à lui sur le rapport qui s’institue entre l’auteur et son lecteur. Il se situe en amont du texte et s’interroge sur les processus cognitifs qu’impliquent l’élaboration d’une histoire. Silke Horskotte distingue, quant à lui, trois types de narratologie (ce qui inclut autant des textes de fiction que de non-fiction): 1) l’étude de la construction de l’histoire et du processus propre au geste de raconter ; 2) l’étude des intentions et des motivations de celui qui raconte l’histoire (à entendre ici en tant qu’histoire vécue) ; 3) l’étude de la narrativité dans le discours narratif et dans le discours scientifique (par exemple, dans le cas de l’historiographie).
Fonctions attribuées au récit
Il s’agit d’un ouvrage collectif. Donc, les fonctions sont nombreuses. Mais comme les articles proposent une critique, dans bien des cas, de la narratologie, qu’ils s’attardent à démontrer les méthodes employées pour approcher le domaine du narratif, on s’intéresse peu à préciser la fonction du récit.
Approches du récit
Les approches sont pluridisciplinaires. Le but de ce collectif est de rassembler des textes qui permettent de décloisonner la narratologie des études pointues concernant exclusivement le récit. On prend pour objet les récits dans les médias, les récits non verbaux, la musique, les romans multigenres (multidmodal novel) qui insèrent des photographies et différents types de mode d’expression (dessins, etc.), le cinéma, la théologie. La narratologie, la sémiotique, les études sur la cognition viennent englober ces différents objets d’étude.