Comment raconter la collectivité, donner une voix à la pluralité? Deux romans récemment parus réussissent ce pari avec brio. Avec Cent seize Chinois et quelques (Seuil, 2010, 127 pages), Thomas Heams-Ogus parvient à l’aide d’un « on » impersonnel à rendre sensible au lecteur la dépossession d’eux-mêmes dont ont été victimes les Chinois d’Italie envoyés aux camps entre 1941 et 1943. Privés de nom par l’Histoire, ils ne retrouveront le leur qu’à la toute fin du livre.
Chez Julie Otsuka, c’est le « nous » qui s’exprime à la place de ces Japonaises venues épouser aux États-Unis un homme qu’elles n’avaient vu qu’en photo. La désillusion, la misère des travaux aux champs, l’ostracisme par ces Blancs dont souvent elles ne parlent pas la langue, l’enfermement durant la Seconde guerre mondiale, tout cela est narré par ce « nous » qui se fait tantôt général, tantôt spécifique.
Certaines n’avaient jamais vu la mer (Phébus, 2012, 142 pages, Fémina étranger) et Cent seize Chinois et quelques proposent une autre définition du personnage, près du chœur, où la dépossession est aussi poétique.
(Je ne peux m’empêcher de souligner : quels titres!)