Objectif de la démonstration et approche privilégiée
Hamon poursuit deux objectifs : montrer que le personnage est un phénomène sémiotique; élaborer un modèle sémiotique d’analyse du personnage
Points nodaux de l’argumentation
Le personnage comme objet d’étude serait survalorisé, en conséquence, peut-être, de l’idéologie humaniste et romantique. « Comme si on parlait d’êtres vivants dont il faut justifier une conduite incohérente (pourquoi Julien Sorel tire-t-il sur Mme de Rênal?) ». Il faut considérer a priori le personnage comme un signe, pour ensuite distinguer plusieurs domaines et niveaux d’analyse.
Propriétés du signe-personnage/héros. Le héros se distingue par la hiérarchie vis-à-vis des autres personnages et est vecteur d’un certain nombre de valeurs. La différenciation du héros s’observe d’abord par l’emphase, la focalisation, la modélisation de l’énoncé (le texte), mise de l’avant par différents procédés (tactiques, quantitatifs, graphiques, etc.); l’accentuation est pré-déterminée par une série de codes culturels (x est héros dans telle culture et à telle époque, ce qui provoque parfois des distorsions de lecture, mais il y a des constantes).
Les types de signes : a) Signes référentiels (qui renvoient à une réalité extérieure)/ personnages référentiels (historiques, mythologiques, etc.) b) Embrayeurs (les déictiques, par exemple, qui renvoient à une instance d’énonciation, à un contenu flottant qui ne prennent sens que dans une situation concrète de discours)/personnages-embrayeurs (marques de la présence en texte de l’auteur, du lecteur, de leurs délégués, personnages porte-parole, choeurs, interlocuteur socratique, Watson…) c) Signes anaphoriques (certains emplois du nom propre, les articles, dont le contenu est uniquement fonction du contexte auquel il renvoie)/personnages-anaphoriques (tissent dans l’énoncé un réseau d’appels et de rappels, personnages prédicateurs, mémoire, sème ou interprète des indices…) Un même personnage peut être a, b et c.
Le personnage comme unité d’un système : se définit par 1) son signifiant. Personnage-narrateur anonyme, grammaticalement homogène (Je-me-moi) ou personnage ordinaire, grammaticalement hétérogène (Julien Sorel, notre héros, il), paradigme spécialisé (parenté), ordre d’apparition, distribution, récurrence, segments textuels variés (de « celui-ci » à la description), stabilité du signifiant vs instabilité du signifié (voir Ricardou); par 2) son signifié. La détermination de l’information du personnage se fait progressivement. La signification du personnage se constitue par différenciation vis-à-vis des signes de même niveau, son mode de relation avec les autres personnages, jeu sur les axes sémantiques (sexe, hiérarchie, physique, classe sociale…); par 3) des restrictions sélectives. L’ensemble des règles (linguistiques, logiques, stylistiques, contextuelles) qui limitent ses possibilités de combinaisons avec d’autres signes; par 4) par des redondances. Les procédés de caractérisation indirecte, le lieu comme métonymie narrative; le décor en harmonie ou non avec les sentiments/pensées du personnage. Référence à des histoires connues, mises en abyme, actions itératives non-fonctionnelles, etc.
Sur l’être et l’agir du personnage romanesque
Hamon fait peu de cas de l’agir du personnage; plus précisément, l’identité n’est pas déterminée (uniquement) par ce qu’il fait, mais par la configuration textuelle qui donne toute une série d’indications sur son statut.
Philippe Hamon, « Pour un statut sémiologique du personnage », Littérature, vol. 6, n° 6, 1972, p. 86-110.