L’onomastique littéraire, ou l’étude du nom propre du personnage. La question est généralement abordée selon son versant sémantique. Quel en est le sens, et quelle articulation cette signification entretient-elle avec le récit ? C’est la perspective adoptée par Hamon, qui considère le nom comme un signe motivé plutôt qu’arbitraire. Un nom propre, dit Cordoba (collectif, Le personnage en question), désigne sans signifier. Il finit par y avoir une coïncidence a priori inconcevable entre le nom propre d’un personnage et son comportement dans le récit. Le signe finit par signifier en désignant.
Les êtres de fiction et la théorie causale des noms selon Pavel. D’abord une difficulté : on parle d’Hamlet ou de la madeleine de Proust comme si ces êtres ou objets étaient individués et bénéficiaient d’une existence empirique, mais ces noms ou descriptions définies ne dénotent pas des objets réels appartenant à notre monde. Pour Pavel, la théorie causale des noms propres rend vraisemblable le point de vue intégrationniste, alors que les tenants de cette théorie (Kripke, Kaplan, Putnam) sont plutôt ségrégationnistes. (La référence en fiction et dans le langage quotidien sont dans des camps opposés) Pavel montre que la référence aux êtres et objets de fiction ressemble aux procédés de référence habituels. Pour Kripke, les noms propres ne renvoient pas à un ensemble de propriétés, mais fonctionnent comme désignateurs rigides. Un nom imposé à un être continue d’y référer, même si les propriétés de cet être sont inconnues, variables ou différentes de ce que nous connaissons. Le nom propre agit comme étiquette linguistique fixée à un individu, voilà le côté structural de la théorie causale des noms; l’acte d’attacher les noms aux êtres qu’ils désignent constitue son côté historique. Pour Pavel, si on traite différemment les noms réels et les noms de fiction, c’est toujours pour des considérations historiques; structuralement parlant, il n’y a aucune différence.
Il y aurait lieu de souligner la contribution de Francis Corblin, « Les désignateurs dans les romans », Poétique, no 54, 1983. Il fait une distinction, qui n’est certes pas nouvelle, entre les désignateurs rigides, les noms propres et les pronoms, et les désignateurs non-rigides, comme les descriptions identifiantes. Il suggère que l’ensemble des désignations dans un roman permet de circonscrire un spécificité stylistique, fournit un point de départ pertinent pour définir les particularités essentielles d’une écriture donnée. Par exemple, dans Thérèse Raquin, les personnages sont saisis par leurs propriétés contingentes, obligeant par conséquent à les percevoir comme indissociables de leur tissu multiforme, alors que Mme Arnoulx et Frédéric Moreau de l’Éducation sentimentale sont saisis exclusivement par des désignateurs rigides (on ne rencontre jamais « ce jeune homme », par exemple.)