Pavel

Objectif de la démonstration et approche privilégiée

Les propos de Pavel sur le personnage s’inscrivent dans une réflexion plus générale sur la fiction; il tente de caractériser la fictionalité. Il examine plusieurs propositions concernant les statuts référentiel et fictif des personnages, et plaide en faveur d’une approche intégrée : Jojo et Napoléon Bonaparte évoluent dans le même univers. Les considérations sur le personnage devaient se faire selon cette prémisse et exclure le réel comme mesure-étalon.

Points nodaux de l’argumentation

Pavel circonscrit deux points de vue selon les positions adoptées par les théoriciens vis-à-vis des rapports entre fiction et réalité : les points de vue ségrégationniste – les œuvres d’imagination n’ont pas de valeur de vérité – et intégrationniste – aucune véritable différence ontologique entre fiction et description non fictive de l’univers; entre ces postures extrêmes il existe quelques intermédiaires. Pavel est intégrationniste.

L’approche externe (philosophes du langage, théorie des actes de langage) place la fiction dans une théorie de l’être et de la vérité; l’ontologie de référence sera celle de l’univers non fictionnel, les êtres de fiction seront sans objet, les propositions, fausses ou oiseuses. L’approche interne évite de comparer les êtres et les propositions de fiction à leur correspondant non fictionnel; représenter la fiction telle que ses usagers la conçoive, une fois qu’ils entrent dans le jeu et oublient le domaine du non fictif.

On parle d’Hamlet ou de la madeleine de Proust comme si ces êtres ou objets étaient individués et bénéficiaient d’une existence empirique, mais ces noms ou descriptions définies ne dénotent pas des objets réels appartenant à notre monde. Pour Pavel, la théorie causale des noms propres rend vraisemblable le point de vue intégrationniste, alors que les tenants de cette théorie (Kripke, Kaplan, Putnam) sont plutôt ségrégationistes (La référence en fiction et dans le langage quotidien sont dans des camps opposés). Pavel montre que la référence aux êtres et objets de fiction ressemble aux procédés de référence habituels; si on traite différemment les noms réels et les noms de fiction, c’est toujours pour des considérations historiques. Structuralement parlant, il n’y a aucune différence.

Sur l’être et l’agir du personnage romanesque

L’agir et l’interprétation du personnage ne sont pas envisagés par Pavel. Le critique s’attarde plutôt aux « degrés d’être » du personnage, à son statut ontologique et aux modèles théoriques qui ont servi à questionner ce statut.

Thomas G. Pavel, Univers de la fiction, Paris, Seuil, 1988. Chapitre 1. « Les êtres de fiction », p. 19-58.