Lotman

Objet de la démonstration, approche privilégiée

La perspective critique de Lotman est essentiellement formaliste et structuraliste, cependant, son ouverture aux « liaisons extra-textuelles » témoigne d’une approche moins immanente. Le but de son ouvrage est de définir le texte littéraire, par l’entremise de ses différentes structures, mais aussi l’essence du fait artistique, ce qui le fonde. L’art est un système modélisant, un langage secondaire dans lequel se découpe l’oeuvre. « Le texte est un signe achevé et tout les signes isolés du texte linguistique général y sont ramenés au niveau d’éléments du signe. »

Points nodaux de l’argumentation

Pour comprendre la conception du personnage de Lotman, il faut préciser quelques termes : un texte devient un texte « à sujet » lorsqu’une action (entendue au sens très large) est introduite. Le point de départ du mouvement du sujet est l’établissement d’un rapport de différence et de liberté réciproque entre le héros actant et le champ sémantique qui l’entoure.

Par rapport à la frontière du champ du sujet (champ sémantique), l’actant intervient en la dépassant, tandis que la frontière par rapport à lui apparaît comme un obstacle. Différents actants ou autres (méchants, éléments de la nature, faux indices) ont pour fonction de rendre le passage d’un champ à un autre compliqué voire impossible pour tous, sauf pour l’actant principal (ce qui fait de lui le héros).

Sur l’anthropomorphisme

L’identification de l’actant et des autres fonctions du sujet (environnement, obstacles, aides…) en personnages anthropomorphes semble si naturelle que, généralisant notre expérience culturelle au point d’en faire une loi, nous supposons que tout sujet est le développement du rapport entre les hommes. L’actant n’est pas forcément anthropomorphe alors que la frontière et l’environnement peuvent l’être. Les personnages pourvus d’un nom et d’une apparence humaine se divisent en deux groupes : les actants (mobiles, ont des solutions d’action) et la condition/circonstance de l’action.

L’être et l’agir du personnage romanesque

Si le héros, par le fond de sa nature, coïncide avec son environnement, ou n’est pas doué de la faculté de s’en détacher, le développement du sujet (action) est impossible. Au fond, Lotman affirme qu’il n’y pas d’action sans personnage agissant, et que cette (in)action peut aussi être de nature interprétative.

Iouri Lotman, « Le concept de personnage », dans La structure du texte artistique, Paris, Gallimard, 1973, p. 334-341.