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Un fanatisme fusionnel

Dans Le Vent dans la bouche de Violaine Schwartz, la narratrice et protagoniste, madame Pervenche, préside une association de grabataires militant ardemment pour que soit réhabilitée Fréhel – une chanteuse française de l’entre-deux-guerres – dans la mémoire collective. Mais l’admiration qu’éprouve madame Pervenche pour Fréhel est telle qu’elle s’identifie complètement à la chanteuse décédée depuis plus d’un demi-siècle: 

Elle était rentrée dans ma tête, elle s’était faufilée à l’intérieur, la nuit pendant mon sommeil, comme un ver dans une pomme, ou un perce-oreille, ou une tumeur, ou un virus, ou la gale. Maintenant, je m’y suis habituée. Je ne lutte plus comme quand je tapais dans les murs, quand j’essayais […] de la faire taire […] . J’attends que ça passe, les yeux plantés dans mon rideau à guetter les couleurs du matin.

On s’en doute, les frontières entre les personnages de madame Pervenche et de Fréhel s’en trouvent passablement perturbées. En effet, tout au long du roman, la narratrice emploie la première personne du singulier autant pour parler d’elle-même que pour raconter en détail la vie de Fréhel qu’elle connaît par cœur; pour revivre, voire s’approprier cette existence si excitante en y insérant des bribes de la sienne, comme ici lorsqu’elle rappelle son rôle de présidente d’association au milieu d’un passage biographique consacré à Fréhel, au milieu d’un passage où madame Pervenche était Fréhel:

J’ai vingt ans, le Tout-Paris au creux de la main et Maurice Chevalier dans la peau. Toutes les nuits, je prends un nouvel amant pour le faire enrager. Le faire bander de rage. Pour m’en protéger. C’est moi qui commande. C’est moi la vedette. C’est moi la présidente. On boit comme des trous, on respire de l’éther, on regarde nos pensées se déployer à l’infini dans l’air confiné de la chambre.

Schwartz, Violaine, Le vent dans la bouche, Paris, POL, 2013.

Personnage à identité multiple

Antoine Bréa nous offre, dans son œuvre Méduse, un cas particulier de personnage problématique. En effet, ce personnage, qui tient également le rôle de narrateur, possède une identité multiple qui se modifie au cours du texte : il est à la fois un homme amoureux, un drogué violent, un malade atteint du sida, un artiste, un meurtrier, un violeur, un pédophile et, finalement, un schizophrène.

Son rapport au temps est également complexe : « C’était il y a longtemps très longtemps, hier ou avant-hier. C’était vers le début, il y a plusieurs années […] c’était il y a trois ou quatre mois, quelques heures, je ne me rappelle plus bien. » (p. 29) Le personnage mentionne quelques fois sa mémoire défectueuse et il raconte souvent deux fois la même action, de manières différentes. À quelques reprises, il avoue que ce qu’il vient de dire n’est carrément pas vrai.

Il s’agit donc d’un narrateur contradictoire, indécis et incapable de démêler ses histoires et ses sentiments. Ses récits et son rôle deviennent ainsi très problématiques et la fiabilité de son discours s’érode.